jeudi 23 avril 2009

Le rêve, aujourd'hui.


"La voie des rêves est impopulaire et on peut opposer ou faire la différence entre la "psy" et les rêves. L'opinion courante identifie ou associe, et non sans raison, le psychologue ou le psychanalyste à l'homme qui a le pouvoir. Je connais bien cette angoisse qui se noue en vous quand vous êtes devant un psy et qu'on vous écrase tout de suite, qu'on vous accable de vos complexes.
Le rêve, c'est le contraire. Si quelqu'un vient avec un rêve, nous nous mettons à genoux devant le rêve, c'est à dire devant la personne qui est devant le rêve. C'est le rêve qui est le maître, ce n'est pas nous. Le rêve c'est l'anti-pouvoir, le rêve c'est le pouvoir de la vie, le rêve c'est la liberté et la libération de la vie en nous. La voie des rêves, c'est la voie de la libération que nous avons demandée à l'Orient, mais qui est impraticable telle que l'Orient nous l'enseigne, parce que nous sommes des occidentaux, et que nous avons besoin de retrouver l'humidité et le dynamisme des images.
Il y a un homme, une grande figure qui m'est très présente, c'est Krishnamurti. Krishnamurti nie le rêve, il veut libérer la vie sans le rêve. Moi , j'ai essayé, je connais bien la voie de K., c'est impraticable. De même la mystique. vous avez parlé de Marie-Madeleine Davy tout à l'heure, je connais bien son oeuvre et je l'estime beaucoup.
Je pourrais dire que, en gros, ma femme et moi nous sommes de formation chrétienne, nous connaissons bienla mystique chrétienne. mais la mystique chrétienne, c'est le passé. On ne peut pas vivre aujourd'hui Jean de la croix, on ne peut pas vivre aujourd'hui Thérèse d'Avila. La première raison c'est que ces gens-là excluaient le diable.
Or le diable, c'est une des premières réalités qui s'imposent à nous dans les rêves, c'est ce que nous refusons, c'est ce qui est qualifié de mal. Nous apprenons que le mal et le bien sont des complémentaires comme chez les chinoix le YIN et le YANG.
le mal n'est pas quelque chose à rejeter dans les ténèbres extérieures. Nous avons l'évidence de participer à la restauration de la voie mystique, mais d'une façon concrète, d'une façon vivable pour les gens d'aujourd'hui."

Etienne PERROT
extrait cahier 24, 1983

jeudi 2 avril 2009

Le faiseur de neige

Il est un temps pour parler de la préparation de la pierre de sagesse; ce dont nous traitons aujourd'hui, c'est son mode d'action. Cette action est le rayonnement silencieux, l'action non agissante des orientaux, c'est l'action du faiseur de neige de Kiao Tchou. La plupart de mes lecteurs connaissent cette histoire de C.G Jung aimait à citer. Il la tenait lui-même de Richard Wilhem, le traducteur du Yi King, qui en avait été le témoin et l'un des protagonistes. Pourtant il me paraît bon de la transcrire ici. De tels récits, comme les contes et les textes sacrés, contiennent en eux-même une puissance opérante. ils sont porteurs de bénédiction et leur répétition en renouvelle l'effet. Voici l'histoire telle que la racontait notre père en alchimie.

"Il y eut une grande sécheresse dans la ville où Richard Wilhelm séjournait; pendant des mois il ne tomba pas une goutte de pluie et la situation devint catastrophique; les catholiques firent des processions, les protestants firent des prières, et les chinoix brûlèrent des bâtonnets d'encens et tirèrent des coups de fusil pour effrayer les démons de la sécheresse. Finalement les chinoix se dirent: " Allons chercher le faiseur de pluie." Et celui-ci vint d'une province reculée. C'était un vieil homme émacié. Il dit que la seule chose qu'il souhaitait était que l'on mette à sa disposition une petite maison tranquille et il s'y enferma pendant trois jours. le quatrième jour, des nuages s'amoncelèrent, et il se produisit une forte chute de neige, à une époque de l'année où aucune neige n'était prévisible, et en quantité inhabituelle.
Tant de rumeurs circulèrent au sujet de cet extraordinaire faiseur de pluie que Wilhelm alla voir l'homme et lui demanda comment il avait fait. En bon Européen il dit:" Ils vous appellent faiseur de pluie : pouvez-vous me dire comment vous avez produit la neige ?" Le petit chinoix répondit: " je n'ai pas fait la neige, je n'en suis pas responsable".
"Mais qu'avez-vous fait pendant ces trois jours?"
"Oh , cela , je puis vous l'expliquer, c'est simple. Je viens d'un pays où les choses sont ce qu'elles doivent être. Ici les choses ne sont pas dans l'ordre, elles ne sont pas comme elles devraient être d'après l'ordre céleste, aussi le pays tout entier est-il hors du Tao. Je n'étais pas non plus dans l'ordre naturel des choses, parce que j'étais dans un pays qui n'était pas dans l'ordre, aussi la seule chose que j'avais à faire était d'attendre trois jours jusqu'à ce que je me retrouve en Tao, et alors, naturellement, le Tao fit la neige."

Etienne PERROT
extrait cahier 22 1983