lundi 27 octobre 2008

LA SECHERESSE


"Q. Que faut-il penser de la sécheresse de l'âme ?

E.P. Cela dépend de l'usage qu'on en fait. La sécheresse d' âme est un genre de mort. "Sécheresse" est un terme du vocabulaire mystique. La sécheresse est une des formes de "la nuit obscure de l'esprit", donc de la mort intérieure. Aujourd'hui la sécheresse signifie souvent une distance par rapport aux sources profondes de ce qu'on appelle l'inconscient. La vie profonde, telle que la voie alchimique nous la révèle, se traduit souvent par la montée des eaux. Pour descendre du vocabulaire mystique à la description psychologique de l'âme de notre époque, nous dirons que l'âme moderne est sèche. Elle est brûlée par un feu qui n'est pas le feu d'amour, mais le feu d' une connaissance séparée de sa source, l'amour de la totalité, et qui , de ce fait, nourrit l'appétit de puissance qui accompagne le désir de savoir pour savoir, la curiosité.

Un pareil feu est, de ce fait , luciférien. Et ce n'est pas un hasard s'il a trouvé son apothéose infernale dans l'éclair qui est apparu pour la première fois dans le ciel des hommes le 16 juillet 1945 à Alamogordo, et qui, depuis, s'est multiplié.
Je vous rappelle pour mémoire, que Robert Oppenheimer avait salué cet éclair, lorsqu'il a vu naître son enfant spirituel, par les mots d'Arjuna, le compagon de Krishna, adorant son ami divin qui se transformait devant lui : " Si l'éclair de mille soleils apparaîssait dans le ciel, tel est l'éclat que répand cette âme divine." C'est le point culminant de la sécheresse. Ici elle se transforme en feu destructeur."

Etienne PERROT
extrait cahier 17 , 1982

mercredi 15 octobre 2008

LE MUR


"Naturellement, un mur qui s'écroule, c'est toujours une libération : " L'ouverture des murs de la prison." Le mur est perçu comme une prison. Il peut être une solidité. On le voit parfois comme un symbole de la pierre, au sens que nous avons contemplé tout à l'heure, mais c'est très rare. On se heurte à un mur. Il est difficile de discuter avec un enseignement magistral : le maître a toujours raison. Mais il peut y avoir, si l'on perce la carapace de l'autorité, de la volonté, de l'affirmation de puissance, on peut y trouver autre chose. C'est le cas par exemple des institutions religieuses. Une institution religieuse se forme a partir d'un mouvement de libération , d'une expérience libératrice. A la base de l'église chrétienne, il y a le christ, l'effusion de l'esprit sur les apôtres à la pentecôte, la propagation de la Bonne Nouvelle, de la libération et de l'amour. et puis à l'arrivée, disons, pas à l'arrivée, mais à l'apogée, qu'est-ce qu'il y a eu ? Il y a eu la lutte du sacerdoce et de l'empire, les papes souverains de l'occident , l'inquisition et les hérétiques détruits au nom de l'amour. ça c'est le mur. Mais à l'intérieur de ce mur, il y avait des pierres noires que représentaient les mouvements mystiques du moyen-âge qui avaient tant de mal à se faire admettre et à survivre au sein de l'orthodoxie."

Etienne PERROT
extrait cahier 22 , 1983

mercredi 1 octobre 2008

LES MERITES


"Q. (responsabilité de l'écrivain, nécessité d'expliciter l'enseignement)

E.P.
Je le sais, Madame, toute parole, et tout écrit à plus forte raison, s'exposent aux déformations, aux récupérations. Il m'est arrivé de penser, de dire que l'écrit, un écrit profond, intime, sérieux, livré par son auteur à la publication est une prostitution, parce qu'il se livre absolument sans défense, sans aucune possibilité de recours, à toutes les interprétations possibles.
Vious voyez ce qu'on a fait de tous les grands livres, que ce soit l'évangile, que ce soit Marx, que ce soit aujourd'hui, Jung. Je sais que ce que je fais n'échappe pas à la loi. Dans cent ans, pourquoi pas, un universitaire s'intéressera à mes écrits. Il m'est arrivé de dire intérieurement à tel ou tel professeur qui s'intéresse à nous, mais à qui nous faisons peur : " Quel dommage que vous ne viviez pas dans deux cents ans ! Quel beau sujet de thèse je serais pour vous!" J'ai déjà vu des universitaires m'envoyer tout heureux des travaux de maîtrise ou autres avec des citations de PERROT. Je sentais très bien que l'auteur avait peut-être compris sur le plan intellectuel, mais qu'il n'avait absolument rien fait de vital avec ce qui était écrit. ça me faisait une belle jambe d'être cité dans le travail ! L'auteur en était tout fier et il estimait que je devais être flatté. Vous comprenez, la récupération par les bibliothèques universitaires, ou encore pis, par les professeurs d'université, c'est vraiment la dernière chose, la dernière stérilisation, c'est la mort du phénix, mais la seconde mort, la mort contre laquelle il n'y a pas de recours. Je demande pardon aux universitaires qui pourraient m'entendre."

Etienne pERROT
extrait 19, 1982