dimanche 25 mai 2008

L'IMPORTANT, C'EST LE SANG...

S.Tismosin, Splendor solis XVIéme siècle

Karen GULDEN: C'est important: Il ne faut pas tuer, même dans les rêves.

E.P. Il n'y a pas de mise à mort dans les rêves ? Vous n'avez jamais tué quelqu'un en rêve ? ça c'est peut-être votre problème! Les gens qui ont trop tendance à tuer dans les rêves deviennent doux comme des agneaux, c'est certain. Mais ceux qui sont doux comme des agneaux, ils deviennent des loups en rêve.

Q. C'est dangereux.

E.P. Il ne faut pas prendre au pied de la lettre tout ce qui est dit ici, nous sommes dans le domaine du symbole. Est-ce que j'ai tué quelqu'un en rêve , tout d'abord , moi ? Je n'en suis pas sûr. J'ai pourtant conscience d'avoir exécuté un certain nombre de personnes, et à commencer par moi-même, dans ma vie. C'est peut-être pour cela que je ne rêve pas que je les tue, parce que je les ai exécuté dans la réalité, moralement bien entendu, cela dispense de les exécuter physiquement. Le propos est assez sanglant ce soir. Il était appelé par l'exposé, mais c'est très important.

Claire CHENAUX. C'est très important , parce que les personnes qui tuent sont justement des personnes qui en quelque sorte ont développé une telle agressivité, une telle dose de haine quelque part, soigneusement enfouie, qui ressort dans le rêve. Il faut tuer, on ne peut même plus discuter . Je crois que pour certains vécus, ce genre de rêves est obligatoire, car ces gens là sont au delà de quelque chose qu'ils pouvaient supporter. Ce règlement sanglant est vital pour eux, mais à prendre évidemment dans le sens symbolique. C'est sanglant au sens où c'est vital. S'ils ne peuvent pas le vivre, ils développeront une maladie très grave.

E.P. Il faut toujours savoir que ces meurtres sont des immolations, des sacrifices, destinés à permettre d'intégrer, comme le disait Karen Gulden, la partie que l'on immole de la personne, en vue d'une paix et d'une réconciliation. C'est le développement de la parole alchimique que nous rapportions tout à l'heure : "la chienne d'Arménie et le chien de Corascène se sont cruellement mordus." Cet aphorisme se trouve dans l'Atalante fugitive de Michel Maier qui est une très belle collection de sentences magistrales . Dans ce même livre, il y en a une autre où il n'est plus question de morsure mais de meurtre, c'est : " le dragon tue la femme et la femme tue le dragon et tous deux sont recouverts de sang." Le commentaire donné donne bien sûr à entendre que ce qui est important, c'est le sang. Le sang c'est la substance vitale, sacrée, dont la couleur pourpre signifie l'amour. Cette étreinte mortelle du dragon et de la femme, et de la femme et du dragon, c'est pourrait-on dire, la mort d'amour qui donne naissance à l'amour pur au prix de l'immolation des individus qui sont les partenaires de l'union.
Nous pouvons nous référer encore, au-delà des achimistes médiévaux, à Zosime dont Jung a commenté les visions dans les racines de la conscience et dont j'ai parlé de mon côté de façon toute différente dans la voie de la transformation. Zosime, c'est le grand ancêtre, c'est le précurseur, le pionnier sanglant de cette voie d'une efficacité sans égale qui est celle de la mort et de l'immolation acceptées pour une résurrection. Je vous renvoie à ces textes : Zosime voit un être écorché, un autre qui a la tête tranchée , un autre qui vomit tout son sang. On lui dit alors que cet être sera transformé en homme d'argent et en femme d'or, après le temps voulu. Il ne faut pas oublier, à travers toutes ces péripéties sanglantes, que le but poursuivi, c'est l'or dont il était question tout à l'heure. D'ailleurs ces deux aspects se rencontraient admiralement dans ce rêve si bref où le personnage déclarait : " Mon nom est Aime-mort." Je suis Aime-mort pour l'or, parce que j'aime l'or."

Etienne PERROT
extrait cahier 21 , 1983

dimanche 18 mai 2008

LA CHIENNE D'ARMENIE ET LE CHIEN DE CORASCENE

photo : http://www.waliboo.com/dossier-photos/chienvschiens.jpg

Ce matin, quelqu'un m'a appelé pour me confier un rêve reçu cette nuit.
Cette personne m'avait vu et entendu en rêve parler dans cette salle. Elle se faisait la réflexion que j'aurais dû mettre l'accent sur l'aspect des oppositions dans l'amour , en reprennant une image alchimique: " La chienne d'Arménie et le chien de Corascène se sont cruellement mordus"

L'amour est sanglant, l'amour implique des mises au point, ces rectifications auxquelles faisait allusion le rêve de l'aman. Capitulation certes, mais capitulation dans la mesure où cela m'est demandé : à d'autres moments, la révolte et la contestation s'imposent. D'épreuve en épreuve, de rectification en rectification, de purification en purification, nous serons conduits- si le ciel le veut- à l'amour pur, l'amour infini, symbole et expression de la vie totalement libérée.

Ce que cela peut avoir de schématique s'éclairera par une autre lecture que je vais vous faire. Vous voyez, ce soir mon propos aura été nourri par d'autres : je vous aurais livré des documents qui sont nés dans des dialogues que je poursuis, mais qui ne proviennent pas de cette main, de cette bouche. Voici quelques jours j'ai reçu une amie, qui ce soir-là était intérieurement nouée d'une façon imprévue. Le lendemain elle m'a adressée une lettre où elle m'exposait l'état dans lequel elle se trouvait. J'ai rarement rencontré, je dois le dire, une expression aussi fidèle de l'adhésion à ce qu'il y a d'obscur en nous pour qu'en naisse une lumière plus grande, une expression plus fidèle de ce qui peut paraître un refus, mais qui est vécu pour un don plus total :

" Cet état dans lequel vous m'avez vu, je le connais bien, je le vis souvent mais, d'habitude, je choisis d'être seule dans ces moments et alors je vais jusqu'au bout. Je me laisse envahir par la haine, je savoure à la fois mon venin et ma bave de crapaud, puis je projette sur le monde mes idées noire et tout ce fiel déforme un à un les êtres qui me sont chers, ils deviennent monstrueux et j'ai mal."

C'est le phénomène que Jung appelle la projection. Mais ce qui caractérise l'attitude de la rêveuse, c'est qu'elle en est consciente. Elle sait bien qu'elle vit une épreuve, elle y adhère. C'est pourquoi la projection n'opère pas de dégâts à l'extérieur et s'achemine vers une transformation.

" Puis toute une furie négative se retourne vers moi. Je récolte la tempête que mon vent de méchanceté avait semé. Alors, après un moment de combat, j'accepte de nêtre que ce paquet de haine vicieuse, cette épave sans âme et sans trésors, abandonnée par la mer, épave rejetée sur le rivage ou bloc massif tombé au fond. C'est en tout cas le point culminant de l'épreuve. C'est à ce moment précis que du fond de moi s'élève un chant. Une vague de chaleur monte, une douceur infinie. Voilà de la lumière. Ce n'est pas ma lumière, je le sais, c'est la lumière. C'est un moment de grand prodige.
Voilà la vie. Je sais bien alors qu'il ne s'agit pas de comprendre, mais d'accueillir. Ouvrir les bras, s'abandonner. Comme c'est facile quand c'est la vie qui vient , mais quand c'est la mort ?"
Ici je commenterai moi-même : Quand c'est la mort, c'est encore plus fécond, car c'est par cette mort que se prépare la vie plénière qui est justement au-delà de notre vie, que l'on accède à cette lumière qui est au-delà de ma lumière.
On peut relever ici un parallèle précis que fournit le Yi King. C'est le dernier oracle de l'hexagramme 38, l'opposition." Isolé par l'opposition, on voit son compagnon comme un porc recouvert de boue, comme un char rempli de démons. D'abord on tend son arc contre lui, puis on dépose son arc. Ce n'est pas un brigand, il fera sa demande en son temps. Tandis qu'on marche, la pluie tombe et la fortune vient."

Etienne PERROT
extrait cahier 21, 1983

lundi 12 mai 2008

LECTURE

"Laurent Terzieff, qui a mis sa vie au service du théâtre et de la poésie, a choisi de vous lire un extrait de La voie de la transformation d'après C.G. Jung et l'alchimie, d'Etienne Perrot. Nous le remercions vivement de cette lecture inspirée et magnifique." http://www.passiondulivre.com/media/c-13719-610848278598806.mp3

Document issu de :http://www.passiondulivre.com/livre-9016-la-voie-de-la-transformation-d-apres-cg-jung-et-l-alchimie.htm

mardi 6 mai 2008

ZEN


"Qu'est-ce qu'il y a de plus Zen que les rêves ?
Qu'est-ce qu'il y a de plus propre à provoquer ce choc que l'on nomme l'illumination abrupte, le satori, que le rêve déroutant qui vous tombe dessus et qui vous laisse interdit jusqu'au moment où votre interprète, d'une phrase foudroyante ou d'un éclat de rire, vous l'a éclairé ?
C'est cela le Zen.

J'en ai eu la preuve par un rêve , d'ailleurs un rêve qui n'est pas de moi. Un jeune homme est venu me voir un jour : il préparait un diplôme de maîtrise sur le thème : "Zen et psychologie des profondeurs", il venait me voir à titre documentaire, sans vouloir s'engager. Juste avant de venir, il a eu un rêve où nous étions ensemble, vêtus de robes blanches, dans le climat Zen si vous voulez. L'un de nous trébuchait sur une pierre, il ne savait pas si c'était lui ou moi, et nous éclations tous deux de rire. je lui ai dit : " voilà, c'est un rêve Zen.

Qu'est-ce que cette pierre ?
C'est la chose incompréhensible, c'est l'imprévu du rêve. Ce rêve est venu vous montrez que le Zen est dans les rêves et que la psychologie des profondeurs telle qu'elle doit être vécue, telle que nous la pratiquons , c'est le Zen." Il m'a répondu :" Ah ! je n'y avais pas pensé."
Je ne sais pas ce qu'il a fait de son diplôme, il ne me l'a pas envoyé.
Vous savez, dans le Zen, l'illumination s'obtient parce qu'on appelle des koans, qui sont des énigmes insolubles, déroutantes, absurdes. Dieu sait si le rêve multiplie les manifestations d'absurde pour nous obliger à faire éclater le sens !
Les rêves sont des koans, ils nous conduisent au satori, à l'illumination, c'est àdire à la conscience, qui s'accompagne ici du rire."

Etienne PERROT
extrait cahier 21, 1983

jeudi 1 mai 2008

UN LANGAGE DIRECT


"EP. Le langage que je vous ai tenu a pu en surprendre certains. Pour les uns, il est vrai, il est familier. Ce sont ceux qui ont entrepris un travail intérieur ndividuel; ils sont à l'écoute de leurs songes et ils recueillent des symboles qu'ils ont appris à goûter, à expliciter, pour autant qu'on peut expliciter un symbole, si bien qu'ils peuvent recevoir le langage symbolique, direct, qui est parlé ici. Quand aux autres, qui viennent pour la première fois participer à nos travaux, ils peuvent avoir le sentiment d'un vocabulaire et d'un monde hermétiques, c'est le cas de le dire , et donc réservé à des initiés. En fait, c'est à la fois vrai et inexact. L'initiation qui est demandée pour recevoir ce langage et l'entendre c'est l'initiation que l'on se donne à soi-même. Si l'on veut se mettre à l'écoute de son intérieur et de ses songes, on verra apparaître la pierre, la fleur, l'étoile, la boue aussi, l'abîme et le reste.

Je dois le redire : si quittant le rivage de l'explication psychologique, j'ai décidé voici quelques années, et avec une vigueur et une audace croissante, de parler ce langage direct, c'est que cela fait écho à une parole qui résonne au fond d'un nombre de plus en plus grand de français, sans parler du reste du monde que je ne connais pas ou peu, à ce niveau. Les expériences renouvelées que j'ai faite à la radio m'ont permis d'atteindre un public extrèmement vaste, non seulement en France , mais dans la francophonie et aussi chez des personnes parlant français dans des pays d'autres langues. Là, j'ai constaté avec quelle intensité le fond de l'âme s'exprimait en symbole, avec quelle insistance il criait, attendant d'être écouté et de recevoir une réponse. Il y a , dans notre chaos, dans notre obscurité spirituelle quasi totale, un ordre et une lumière qui veulent s'affirmer.

Et si je le redis, ce n'est pas avec la conviction d'un prédicateur ou d'un propagandiste, mais avec la certitude d'un enfant naïf placé devant une évidence bouleversante. Les émissions de France-Inter en 1978-1979 avaient été un évènement important: je renvoie à ce sujet au livre Les rêves et la vie* que d'excellents esprits considèrent comme capital et où plus d'un puise la science sur laquelle on fonde des cours, des conférences, des séminaires sur les rêves.

Les philosophes chinoix disent, en parlant de ce que Confucius avait présenté, que c'est la voie de l"humanité et qu'il est aussi vain de vouloir faire une église ou une institution d'Etat de la voie de l'humanité que ce le serait de vouloir faire une affaire d'Etat de l'air qui est à tout le monde et qu'on a jamais songé jusqu'à présent à nationaliser, on ne peut pas accaparer le monde intérieur. Personne ne peut en faire sa propriété, persone ne peut l'exploiter. Si certes, plus d'un le fera, mais ce sera au détriment des personnes que l'on prétend aider, parce qu'on les captivera, on les réduira , on les limitera, au lieu de les élargir, au lieu de laisser la vie prendre son cours imprévisible et tout-puissant à l'intérieur de l'être."

Etienne PERROT
extrait cahier 22, 1983
*LES REVES ET LA VIE
Etienne Perrot
Editeur : Dauphin, Paris, France
Collection : La Fontaine de Pierre
Prix : 22.00 € / 144.31 F